samedi 18 juillet 2009

Lima, mardi 23 juin

Après le déjeuner, quelques emplettes à San Miguel, un centre commercial qui se veut une réplique des malls américains.
Nous traversons une zone d’habitations très populaire. Un soleil pour nous inattendu confère un aspect presque humain, vivable du moins, aux favelas qui escaladent les monticules de terre grisâtres, ces étranges collines dressées au milieu des faubourgs défavorisés de Lima.
Contraste marqué entre les différents quartiers de cette mégapole.
La poussière soulevée par une incessante circulation de voitures, de bus, de camions en un va et vient hétéroclite, se dépose sur de maigres arbustes dont le feuillage disparaît sous une couche de poussière blanchâtre. L’eau manque à ce point dans cette région désertique de la côte Pacifique que c’est miracle d’y trouver, épargnée par la pollution, une quelconque forme de végétation.

J’ai encore le loisir de relever ces quelques notations dans le livre de J.-B. Pontalis que j’ai amené pour meubler les temps morts du voyage. J’aime son style, soigné (si rare aujourd’hui !) comme l’est aussi celui de Jorge Semprun (par exemple dans L’écriture ou la vie ) :

"On ne renonce jamais à rien. Ecrire, s'écrire, c'est ça : s'assurer qu'on n'a pas vraiment renoncé, qu'à travers la succession des illusions défaites, la chose en soi demeure, qu'elle a la vie plus dure que la vie !" (p. 41)

"Quand le langage ne peut rien, le silence est de plomb." (p. 44)

"La puissance d'un art tient à ce qu'il s'affronte à ce qui le nie : la musique au visible, la littérature au silence. Pourquoi suis-je devenu psychanalyste sinon pour mesurer sans cesse le langage à ce qui n'est pas lui ?"
(p. 53)

Paternité, filiation : des thèmes que mon séjour ici rend actuels et qui s’imposent à moi avec une insistance presque irritante. Peut-être parce qu’il y a quelque chose de puéril, et même de dérisoire à « vouloir », inconsciemment bien sûr, tromper la mort dans l’enfant. L’enfant, qui est précisément, paradoxalement, le signe vivant de notre imminente disparition : mystère de la vie qui ne fait que nous traverser…
Avoir un enfant – il s’agit bien du verbe avoir – pour ne pas vieillir, pour ne pas mourir : quelle pauvre ruse ! Peut-être, après tout, n’ai-je pas voulu céder à cette ultime tromperie ?

Dans la maison de C. coexistent et s’affrontent, tantôt s’aimant, tantôt s’ignorant, les deux extrémités de la vie : l’infans et le vieillard (l’un et l’autre si proches de l’aphasie…).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire